Objets Modernes, collection Charles et Marie-Laure de Noailles

2022 - 2023, Villa Noailles, Hyères.

Scenography : Emmanuelle Luciani.

Artists : Bella Hunt & DDC, Etienne Marc.

FR/ Maison de vacances, palais moderne et monument d’avant-garde, la Villa Noailles échappe au temps. Bien loin d’un monolithe de béton et de verre figé par l’historiographie du mouvement moderne, la maison des époux Noailles vibre toujours d’une vitalité renouvelée. Inspirés par la personnalité de Marie-Laure de Noailles, nous avons conçu pour le parcours historique de la villa une scénographie qui se déploie comme un fantasme temporel, vision d’un présent alternatif où l’édifice serait encore un lieu habité par ses commanditaires.

Bien de loin de la muséographie traditionnelle, la proposition de Southway Studio est une promenade fantasmagorique qui rend hommage aux époux Noailles, couple de chair et de chrome et mécènes avisés, tout en insufflant de la vitalité dans cette machine à habiter du luxe français, dans laquelle se cristallise toute l’histoire du mécénat et de la société aristocratique et bourgeoise du XXe siècle.

Emmanuelle Luciani créé le fantasme d’un présent du passé, survivance de cette domus du xxe siècle, dans le sillage de l’esprit de Marie-Laure et de Charles de Noailles. Des interventions artistiques contemporaines (commanditées par Jean-Pierre Blanc), sous la forme de peintures murales ou sur support, se font héritières des oeuvres peintes de Théo Von Doesburg (pièce de service pour les fleurs) ou Sybold Van Ravensteyn (chambre d’ami du deuxième étage), et jouent avec les formes et les silhouettes des meubles, objets et luminaires qui peuplaient les lieux.

Le parcours permanent est l’oeil d’un cyclone temporel où se mêleraient tous les différents états de ce dédale domestique. Le mobilier n’a pas nécessairement retrouvé son emplacement d’origine, continuant d’être déplacé au gré des usages et des envies. Les socles de crépis, qui rappellent les murs extérieurs de la villa, et de stuc, créés par Southway Studio, viennent quant à eux souligner le mobilier historique de la villa. Mis sur un piédestal, les tabourets de Blanche Klotz, de Pierre Chareau ou de Djo-Bourgeois, ou même la discrète table à roulette Ronéo, deviennent les personnages principaux de cette fantasmagorie uchronique, réalité parallèle où les époux Noailles continueraient d’y faire crépiter le feu de la création artistique, qu’ils concevaient comme une aventure collective.

Southway Studio a réinstallé des rideaux dans toutes les salles, qui viennent rappeler que la villa est avant tout un lieu de vie. Le tissu, à la trame épaisse, est dans les tons de céladon, de rose ou de vert sapin, couleur tant aimée de Marie-Laure de Noailles.

Un ensemble d’oeuvres contemporaines de Bella Hunt & Ddc vient rendre hommage aux arts décoratifs de l’entre-deux-guerres. Un monumental socle de stuc sublime le tabouret de Blanche Klotz, et répond par ses ondoiements aux lignes souples des rideaux tout en conférant à l’élégante assise un statut d’oeuvre historique. La cheminée du salon de lecture apparaît quant à elle comme le spectre de sa précédente incarnation par René Prou, et partage avec le socle, le vase et les appliques de céramique des formes de drapé, motif évocateur à la fois du néo-classicisme et d’un modernisme raffiné et surréaliste.

Écrin de vitalité, château moderne de culture et de sport, le clos Saint-Bernard, mieux connu sous son surnom de Villa Noailles, est resté tout le long de son occupation par Charles et Marie-Laure de Noailles un lieu de création et de mouvement. Sans jamais renier le projet initial de l’architecte Robert Mallet-Stevens initié en 1923, les époux l’on constamment fait évoluer, lui adjoignant piscine, terrain de squash, équipement moderne, et modifiant son décor et son mobilier. Des années 1920 au années 1965, les séries photographies de Thérèse Bonney et Willy Maywald soulignent les ondoiements stylistiques de la maison, passant d’intérieurs avant-gardistes dans le milieu des années 1920 (Chareau, Djo-Bourgeois, Eileen Gray, Jourdain…) à des bulles atemporelles, aux accents parfois néo-provencaux, dans les décennies suivantes.

© Emile Barret

EN/ A holiday home, a modern palace and an avant-garde monument, the Villa Noailles escapes time. Far from being a concrete and glass monolith frozen by the historiography of the modern movement, the house of the Noailles couple still vibrates with renewed vitality. Inspired by the personality of Marie-Laure de Noailles, we have designed a scenography for the historical tour of the villa that unfolds like a temporal fantasy, a vision of an alternative present where the building would still be a place inhabited by its patrons.

Far from traditional museography, Southway Studio's proposal is a phantasmagorical walk that pays homage to the Noailles couple, a couple of flesh and chrome and wise patrons, while injecting vitality into this living machine of French luxury, in which the entire history of patronage and aristocratic and bourgeois society of the twentieth century crystallizes.

Emmanuelle Luciani creates the fantasy of a past present, a survival of this 20th century domus, in the wake of the spirit of Marie-Laure and Charles de Noailles. Contemporary artistic interventions (commissioned by Jean-Pierre Blanc), in the form of wall paintings or on a support, are heirs to the painted works of Theo Von Doesburg (flower service room) or Sybold Van Ravensteyn (second floor guest room), and play with the shapes and silhouettes of the furniture, objects and lights that once filled the premises.

The permanent exhibition is the eye of a temporal cyclone where all the different states of this domestic labyrinth are intermingled. The furniture has not necessarily returned to its original location, continuing to be moved according to use and desire. The plaster bases, reminiscent of the villa's exterior walls, and the stucco bases, created by Southway Studio, highlight the villa's historic furniture. Placed on a pedestal, the stools by Blanche Klotz, Pierre Chareau or Djo-Bourgeois, or even the discreet Roneo rolling table, become the main characters of this uchronistic phantasmagoria, a parallel reality where the Noailles couple would continue to make the fire of artistic creation crackle, which they conceived as a collective adventure.

Southway Studio has reinstalled curtains in all the rooms, reminding us that the villa is first and foremost a place to live. The thickly woven fabric is in shades of celadon, pink or fir green, the colour so loved by Marie-Laure de Noailles.

A group of contemporary works by Bella Hunt & Ddc pay tribute to the decorative arts of the inter-war period. A monumental stucco base sublimates Blanche Klotz's stool, and responds with its undulations to the supple lines of the curtains while conferring on the elegant seat a status of historical work. The fireplace in the reading room appears to be the spectre of its previous incarnation by René Prou, and shares with the plinth, the vase and the ceramic sconces draped forms, a motif evocative of both neo-classicism and a refined, surrealist modernism.

A jewel box of vitality, a modern castle of culture and sports, the Clos Saint-Bernard, better known by its nickname of Villa Noailles, has remained a place of creation and movement throughout its occupation by Charles and Marie-Laure de Noailles. Without ever denying the initial project of the architect Robert Mallet-Stevens, initiated in 1923, the couple constantly evolved it, adding a swimming pool, a squash court, modern equipment, and modifying its décor and furniture. From the 1920s to 1965, the series of photographs by Thérèse Bonney and Willy Maywald underline the stylistic undulations of the house, passing from avant-garde interiors in the mid-1920s (Chareau, Djo-Bourgeois, Eileen Gray, Jourdain...) to timeless bubbles, sometimes with neo-Provencal accents, in the following decades.