Sortie des eaux
21/02/2022 - 30/03/2022
Pavillon Southway, 433 Boulevard Michelet, 13009 Marseille.
Cur. Emmanuelle Luciani.
Artist : Etienne Marc.
FR/ Sous les apparats d’un boudoir, « Sortie des eaux » déploie des oeuvres contemplatives et baroques, entre arts décoratifs, design et création contemporaine.
L’ensemble de « Sortie des eaux » s’anime comme un partition baroque, musique du mouvement et du chevauchement, des polyphonies et des lectures multiples. Les oeuvres d’Étienne Marc sont constellées de patines qui s’entrecroisent et se mêlent. Elles sont conçues comme des rondes-bosses qu’il est nécessaire d’observer sous tous les angles pour en saisir la complexité, apanage du style baroque.
Les formes serpentines, ondoyantes et déliées apparaissent dans les fins de cycles et de périodes (maniérisme, baroque du grand siècle, rocaille du XVIIIe siècle, puis Art nouveau au XIXe siècle…). De Jules Romain à Meissonnier, la courbe et l’organique sont les cristallisations formelles de changements sociétaux. Le maniérisme, puis le baroque, apparaissent alors que la chevalerie et la féodalité s’érodent face aux vagues et aux remous politiques et religieux du XVIe siècle, auxquels l’absolutisme royal puis l’idéal révolutionnaire succèdent. Les formes dans l’art et l’ornement se décomposent, se mélangent, se fluidifient et se tordent.
« Sortie des eaux » est hantée par les réminiscences de ces styles de fin de cycle et de crépuscule. L'ensemble est ainsi un état d’entre-deux mondes, une transition, à l’image des Métamorphoses d’Ovide ou de la sublimation de la Petite sirène d’Andersen. Dans la lignée des artistes-artisans des années 1930 et 1940, il opère en effet un dialogue avec l’histoire des formes, qui se conjugue avec un regard sur la mythologie antique.
L'applique et l’élégant lampadaire Strelisia, oeuvres ambiguës et rêveries métalliques tout en polypes et volutes, sont comme sorties d’un intérieur de Moreux ou d'Arbus, et revisitent la transformation de Daphnée en laurier. Ces états transitoire, liés au changement et à la nature, sont ici figés dans le verre, le métal et la céramique. Ainsi, les trois miroirs au mercure, hantés de fleurs séchées, sont des évocations du mythe de Narcisse et d’Écho.
La chaise Coquillage est un puissant hommage au mobilier de grotte vénitien de la fin du XIXe siècle, lui-même une relecture du style rocaille de l'Ancien régime. Ce siège-sculpture est une ambiguïté temporelle : la patine dorée et calcinée de la coquille pourrait ainsi être à la fois un vestige atlante, un siège maniériste du palais du Té ou le tabouret d’un boudoir des années 1880.
L'ombre du temps habille, et infuse, les oeuvres de « Sortie des eaux », pourtant chargées d’une puissance intemporelle rare. Les styles naissent, croissent et meurent, à la manière des cycles organiques. Étienne Marc compose comme d’un alchimiste, maniant des matériaux hétérogènes (céramique, verre, métal…), et souligne son rapport au temps et aux états transitoires.
À la fois aubes et crépuscules, les oeuvres ne sont ni pastiches, ni réinterprétations figées ou cyniques, et l’exposition ouvre au contraire un autre rapport linéaire au temps, en renouant avec une vision cyclique de l’histoire des formes, incarnation concrète de « La Vie des formes » d’Henri Focillon. Étienne Marc s’inscrit ainsi dans la vague de fond néo-romantique qui irrigue l’art périodiquement depuis la fin du XVIIIe siècle et qui ressurgit dans la création contemporaine.
EN/ Under the guise of a boudoir, "Sortie des eaux" displays contemplative and baroque works, between decorative arts, design and contemporary creation.
The whole of "Sortie des eaux" comes alive like a baroque score, music of movement and overlapping, polyphonies and multiple readings. Étienne Marc's works are studded with patinas that intertwine and intermingle. They are conceived as round-bosses that need to be observed from all angles in order to grasp the complexity that is the hallmark of the Baroque style.
The serpentine, undulating and untied forms appear at the end of cycles and periods (Mannerism, Baroque of the great century, Rococo of the 18th century, then Art Nouveau in the 19th century...). From Jules Romain to Meissonnier, the curve and the organic are the formal crystallisations of societal changes. Mannerism, and then the Baroque, appeared at a time when chivalry and feudalism were eroding in the face of the political and religious waves and upheavals of the 16th century, which were succeeded by royal absolutism and then the revolutionary ideal. Forms in art and ornament decompose, mix, fluidify and twist.
"Exit from the Waters" is haunted by reminiscences of these end-of-cycle and twilight styles. The whole is thus a state of in-between worlds, a transition, like Ovid's Metamorphoses or the sublimation of Andersen's Little Mermaid. In the tradition of the artist-craftsmen of the 1930s and 1940s, he enters into a dialogue with the history of forms, which is combined with a look at ancient mythology.
The wall lamp and the elegant Strelisia floor lamp, ambiguous works and metallic reveries all in polyps and volutes, are as if taken from a Moreux or Arbus interior, and revisit the transformation of Daphne into a laurel tree. These transitory states, linked to change and nature, are here frozen in glass, metal and ceramic. The three mercury mirrors, haunted by dried flowers, are evocations of the myth of Narcissus and Echo.
The Coquillage chair is a powerful homage to the Venetian grotto furniture of the late nineteenth century, itself a reinterpretation of the Rocaille style of the Ancien Régime. This seat-sculpture is a temporal ambiguity: the golden and charred patina of the shell could thus be at the same time an Atlantean relic, a Mannerist seat from the Palazzo del Té or the stool of a boudoir from the 1880s.
The shadow of time cloaks and infuses the works in "Sortie des eaux", yet they are charged with a rare timeless power. Styles are born, grow and die, like organic cycles. Étienne Marc composes like an alchemist, handling heterogeneous materials (ceramics, glass, metal...), and underlines his relationship to time and transitory states.
At once dawn and dusk, the works are neither pastiches, nor frozen or cynical reinterpretations, and the exhibition opens up another linear relationship to time, by reviving a cyclical vision of the history of forms, a concrete incarnation of Henri Focillon's "La Vie des formes". Étienne Marc is thus part of the neo-romantic groundswell that has permeated art periodically since the end of the 18th century and which is resurfacing in contemporary art.