In Search of Lost Space

01/07/2022 - 24/07/2022

Pavillon Southway, 433 Boulevard Michelet, 13009 Marseille.

Artist : Hadi Alijani.

FR/ L’exposition d’Hadi Alijani est le fruit de la résidence qu’il a effectuée à Marseille au Pavillon Southway, en avril 2022. Nous avons tenu à inviter Hadi en raison de la posture de son travail, et de son regard sur l’histoire, que l’on pourrait qualifier d’oracular vernacular.

Hadi Alijani inscrit sa pratique dans la longue tradition artistique persane. Nourri des influences d’un art qui éclot sous la dynastie Safavide (1501-1736) et surtout de la peinture de la dynastie Qadjar (1789-1925), il peint des natures mortes contemplatives, véritables icônes contemporaines, dans un mouvement de fusion atemporel entre Occident et Orient. Sa pratique cristallise ce long dialogue culturel entre l’Europe et l’Iran, qui s’opère depuis le XVIIe siècle.

© James Ruffato

Les emprunts formels d’Alijani à l’art Qadjar concernent essentiellement la nature morte, dans le sillage de Mirza Baba. Son geste obstiné et patient créé des hybridations méditatives dont les objets - coupes de fruits, vases, fleurs... - semblent hanter un décor architecturé, où la présence humaine n’est que suggérée, voire fantomatique. Un voile intemporel et spatial transpire de ses tableaux, en raison notamment de l’ambiguïté des décors ou des objets, souvent hors du temps, parfois marqués par la modernité, comme l’irruption d’un épluche-légume. On peut aussi y déceler une influence d’un style peu connu de la peinture persane, nommé Farangi Sazi (« La manière occidentale »). Le style Farangi Sazi émerge sous Shah Abbas II (1642-1666), dans les dernières décennies de l’empire Safavide. Il fait le lien entre Orient et Occident, aussi bien par l’emprunt de genres de la peinture occidentale (scènes mythologiques, de genre, natures-mortes, personnages vêtus à l’européenne) ou par le recours à des techniques et des formes (davantage de naturalisme, attention donnée à la perspective, à l’éclairage... Mise en scène de personnages vêtus à l’occidental ou à l’antique) peu courantes jusqu’au XVIIe siècle dans l’art de la Perse musulmane, du moins hors des enluminures. L’artiste déploie en effet dans ses natures mortes un traitement tantôt rugueux, tantôt doux, des matières, des étoffes et des textures. On voit parfois en arrière plan un drapé, dévoilant une ville au loin, à la manière d’un tableau de la Renaissance italienne.

Hadi Alijani s’inscrit dans cette continuité d’échanges artistiques entre l’Orient et l’Occident. Ainsi, comme l’on retrouve dans des peintures de type Farangi Sazi des personnages en toges ou des scènes galantes au clair de lune, il y a dans ses natures mortes un peu de la solennité des portraits d’objets de Giorgio Morandi, des vues urbaines fantasmagoriques de Giorgio De Chirico ou des intérieurs de Matisse.

C’est cependant en regard avec l’oeuvre de Cézanne, référence respectée, que l’artiste entretient la plus troublante parenté. Il dépeint ses sujets dans une rondeur quasi flottante, où aplats et reliefs constituent la frontière mouvante d’un univers pictural humble et pourtant animé d’une plasticité qui dépasse la dimension bidimensionnelle de la peinture. Calebasses, coloquintes, ustensiles et vaisselle semblent alors en lévitation sur des tables ou des tapis. D’aspect simple, presque familier, les écrins de ses natures mortes sont pourtant chargés d’histoire. L’une des compositions qu’il a exécutée lors de sa résidence à Marseille en témoigne. Il y associe ses habituelles courges décoratives avec une représentation fidèle du tapis de Pazyryk, le plus ancien tapis connu (tissé aux alentours du Ve siècle avant J.-C. et retrouvé dans la tombe d’un prince scythe) et à une fourrure de léopard. La force méditative de la nature morte s’unit alors à un hommage à l’histoire indo-européenne et souligne le mouvement de balancier qu’il opère entre les âges et les cultures.

Toile réalisée lors de la résidence d’Hadi Alijani au Pavillon Southway.

Painting made during Hadi Alijani's residency at the Pavillion Southway.

EN/ Hadi Alijani's exhibition is the result of his residency in Marseille at the Pavillon Southway in April 2022. We were keen to invite Hadi because of the posture of his work, and his view of history, which could be described as oracular vernacular.

Hadi Alijani's practice is part of the long Persian artistic tradition. Nourished by the influences of an art that blossomed under the Safavid dynasty (1501-1736) and above all by the painting of the Qadjar dynasty (1789-1925), he paints contemplative still lifes, true contemporary icons, in a timeless fusion between the West and the East. His practice crystallises this long cultural dialogue between Europe and Iran, which has been going on since the 17th century.

Alijani's formal borrowings from Qadjar art mainly concern still life, in the wake of Mirza Baba. His obstinate and patient gesture creates meditative hybrids whose objects - bowls of fruit, vases, flowers... - seem to haunt an architectural setting, where the human presence is only suggested, even ghostly. A timeless and spatial veil transpires from his paintings, due in particular to the ambiguity of the decorations or objects, often out of time, sometimes marked by modernity, like the irruption of a vegetable peeler. One can also detect an influence of a little known style of Persian painting, called Farangi Sazi ("The Western Way"). The Farangi Sazi style emerged under Shah Abbas II (1642-1666), in the last decades of the Safavid Empire. It links the East and the West, both by borrowing genres from Western painting (mythological scenes, genre scenes, still lifes, characters dressed in European style) and by using techniques and forms (more naturalism, attention to perspective, lighting, etc.). The use of Western or antique style characters) was not common in the art of Muslim Persia until the 17th century, at least not outside of illuminations. In his still lifes, the artist deploys a sometimes rough, sometimes soft treatment of materials, fabrics and textures. Sometimes we see a drape in the background, revealing a city in the distance, in the manner of an Italian Renaissance painting.

Hadi Alijani is part of this continuity of artistic exchanges between East and West. Thus, just as one finds in Farangi Sazi type paintings figures in togas or gallant scenes in the moonlight, there is in his still lifes a little of the solemnity of Giorgio Morandi's portraits of objects, Giorgio De Chirico's phantasmagorical urban views or Matisse's interiors.

However, it is in relation to the work of Cézanne, a respected reference, that the artist maintains the most troubling kinship. He depicts his subjects in an almost floating roundness, where flat tints and reliefs constitute the moving border of a pictorial universe that is humble and yet animated by a plasticity that goes beyond the two-dimensional dimension of painting. Calabashes, coloquintes, utensils and dishes seem to levitate on tables or carpets. Simple, almost familiar in appearance, the settings of his still lifes are nevertheless charged with history. One of the compositions he executed during his residency in Marseille bears witness to this. He combines his usual decorative gourds with a faithful representation of the Pazyryk carpet, the oldest known carpet (woven around the 5th century BC and found in the tomb of a Scythian prince) and a leopard's fur. The meditative power of the still life is thus combined with a tribute to Indo-European history and underlines the pendulum movement it operates between ages and cultures.